L’élaboration de stratégies facilitant l’alimentation des personnes atteintes de démence comporte de nombreux avantages autant pour les patients que pour le personnel.
Selon Leadingage.org, les cas de démence devraient tripler d’ici 2050, ce qui aura des répercussions majeures sur les secteurs de la santé et des résidences. Plus les baby-boomers avanceront en âge, plus les besoins en matière de soins et les coûts qui y sont associés augmenteront. Pour les fournisseurs de soins, il est donc primordial de se préoccuper d’alimentation et de nutrition.
S’il n’y a actuellement pas de remède contre la démence et la maladie d’Alzheimer, on estime cependant que certains régimes alimentaires retardent le début du déclin de la mémoire. Même si d’autres recherches sont nécessaires, ces régimes constituent de bonnes nouvelles pour les résidences, qui souhaitent garder leurs clients actifs et en santé. Ainsi, un régime alimentaire adéquat pourrait améliorer la qualité de vie et la santé des gens atteints de démence, ce qui, en fin de compte, est bénéfique autant pour la personne elle-même que pour l’établissement.
Effets de la démence sur l’alimentation
La démence s’accompagne souvent de problèmes de nutrition. À un stade précoce, elle peut nuire à la capacité à faire son épicerie et à suivre une recette. Puis plus la maladie progresse, plus les comportements alimentaires deviennent imprévisibles. Les personnes atteintes sautent des repas, oublient de boire et de manger et en viennent à oublier comment utiliser des ustensiles, à avoir de la difficulté à mastiquer et à avaler, et même à être incapables de reconnaître les aliments. Et tout cela peut entraîner une perte de poids, la déshydratation, un retard dans la guérison des plaies, des infections, de la faiblesse musculaire, etc.
« Environ 40 % des patients atteints de démence perdent du poids », explique Amy Gautraud, nutritionniste et directrice du Centre de ressources nutritionnelles (CRN) de Service alimentaire Gordon. « Cela affecte non seulement le bien-être du patient, mais aussi le milieu, qui doit gérer plus d’hospitalisations et d’infections urinaires dues à la déshydratation, de même que fournir des antibiotiques dispendieux. »
Les problèmes d’hydratation et de nutrition sont le résultat d’un certain nombre d’obstacles auxquels sont confrontées les personnes atteintes de démence. Les fournisseurs de soins doivent donc être attentifs aux signes suivants :
- Faible appétit. Incapacité à sentir la faim, mauvais ajustement des prothèses dentaires, prise de médicaments, manque d’exercice.
- Difficultés cognitives. Inaptitude à reconnaître les aliments et les boissons, problèmes de concentration.
- Problèmes moteurs. Incapacité à diriger une fourchette dans sa bouche, difficulté à mastiquer ou à avaler, difficulté à trouver les mots et à organiser ses demandes.
- Troubles sensoriels. Réduction du sens de l’odorat, du goût et de la vision, incapacité à gérer la soif, difficulté à distinguer la température des aliments.
- Problèmes de comportement. Tendance à lancer les aliments, impulsivité, déambulation, frustration et isolation.
- Comportements alimentaires. Changement dans les habitudes alimentaires et les préférences, suralimentation.
Pour garder le contrôle sur les problèmes d’alimentation, on doit constamment évaluer les résidents et partager les résultats de ces évaluations avec tout le personnel, affirme Amy Kotterman, nutritionniste et directrice des services d’hébergement pour United Church Homes, un groupe de résidences de l’Ohio. Selon elle, le respect des préférences peut faire une grande différence. Mais pour connaître ces préférences, il faut se renseigner.
Aliments et nutrition : des trucs simples qui changent tout
« Je suis vraiment emballée par tous ces régimes et leurs avantages pour les personnes ayant des troubles de mémoire. Mais la plupart de nos résidents arrivent chez nous avec des troubles importants, laisse savoir Mme Kotterman. Je veux qu’ils mangent ce qui les rend heureux et qui leur permet de maintenir leur poids. »
On peut améliorer la qualité des soins et l’état de santé des résidents grâce à quelques solutions simples :
- Offrir des repas savoureux et nutritifs.
- Respecter les préférences et les routines pour améliorer le confort et le sentiment de contrôle.
- Offrir de la variété (dans les limites appropriées) et des plats appréciés de tous.
- Servir de petits repas, plus souvent.
- Modifier la texture des aliments (purées et aliments qui se mangent avec les doigts).
- Utiliser les aliments enrichis et les suppléments au besoin.
- Encourager l’auto-alimentation en fournissant du matériel adapté et des plats offrant un bon contraste visuel.
- Créer un environnement de repas calme en limitant les distractions visuelles et auditives.
- Garantir des interactions sociales adéquates entre les résidents et les soignants.
- Offrir de l’assistance personnelle au besoin.
Une approche adaptée
L’objectif consiste à amener la personne à manger. Et selon Samantha Thelen, directrice régionale des opérations pour Leisure Living, c’est justement le mot personne qui compte. Elle recommande de s’assurer que les gens mangent ce qu’ils veulent au moment où ils le désirent.
« Les familles n’ont pas envie d’entendre que notre nourriture est horrible et que leurs proches se font réveiller à 8 h pour le déjeuner alors qu’ils souhaitent dormir jusqu’à 10 h, fait-elle savoir. Quand les résidents sont heureux, les familles et les établissements le sont aussi. »
Selon elle, pour réussir, il est essentiel de réinventer la manière dont on envisage les repas. Elle suggère de réduire au maximum la « cuisine d’établissement » pour plutôt offrir des plats personnalisés et rendre l’heure des repas semblable à ce qu’elle serait à la maison. Elle précise aussi que les gens doivent avoir accès en tout temps à de la nourriture, par exemple, à des collations énergisantes et de qualité.
Chez Leisure Living, on s’assure d’offrir aux résidents des plats riches en calories et en nutriments dès le déjeuner. D’après Mme Thelen, le déjeuner peut contenir beaucoup de calories, mais a également tendance à stabiliser l’humeur. Mme Kotterman abonde dans le même sens. Comme la plupart des résidents dorment bien, ce repas est généralement le repas le plus accepté de la journée. Et il existe des façons de fournir des calories et des nutriments tout en offrant de la variété.
« Nous avons pris du gruau nature et y avons ajouté de la cassonade, de la crème et du beurre. Pour environ une demi-tasse, on est passé de 100 à 320 calories. Et les résidents sont heureux, parce que c’est bon et sucré, explique Mme Kotterman. On peut faire de même avec les laits frappés et les biscuits en barres. »
Des stratégies pour des repas réussis
Un environnement calme et silencieux, c’est-à-dire sans télévision ni musique avec des paroles, peut faire toute la différence. Comme les gens atteints de démence arrivent difficilement à gérer plusieurs stimulations à la fois, il convient aussi de limiter le nombre d’articles sur les tables et de personnes présentes ainsi que de servir seulement un aliment ou deux à la fois.
On doit également faire attention à la forme des aliments et à leur présentation. Comme les personnes atteintes de démence ont souvent de la difficulté à utiliser les ustensiles, les aliments à manger avec les doigts leur permettent de se nourrir plus facilement. Mais selon Jesse Waalkes, nutritionniste au CRN, il ne faut pas se limiter aux barres de collation et aux crudités.
« Ce n’est pas parce qu’on est incapable d’utiliser les ustensiles qu’on n’a pas envie de participer au repas », ajoute-t-elle.
Voici quelques exemples de plats populaires transformés en aliments à manger avec les doigts :
- Œufs brouillés et rôties. À remplacer par un œuf dur, des morceaux de jambon et une rôtie ou encore un croissant aux œufs.
- Spaghetti aux boulettes de viande. À changer pour un mini hamburger aux boulettes de viande, une brioche fourrée à la saucisse italienne ou une frittata au spaghetti et aux épinards.
- Sauté au poulet et aux légumes. Servir plutôt un empanada au poulet asiatique ou des rouleaux impériaux au poulet et aux légumes.
- Pain de viande et purée de pommes de terre. À substituer par des cubes, des bouchées ou des muffins de pain de viande.
- Pâtes au thon. Proposer à la place un sandwich grillé ou une quesadilla au thon, ou encore des bouchées de macaroni au fromage et au thon.
- Salade et légumes. À remplacer par un gobelet de jus, une boisson frappée ou des morceaux de laitue iceberg accompagnés d’une trempette.
- Desserts. Offrir biscuits, boissons frappées aux fruits, mini-tartelettes à la mousse au chocolat ou brochettes de fruits accompagnées de trempette de yogourt.
Promotion de la capacité à manger
En encourageant les gens à s’alimenter eux-mêmes tant qu’ils le peuvent, on leur procure généralement un sentiment de dignité et de bonheur. Mais pour ce faire, on doit fournir du matériel adapté. Par exemple, la simple utilisation de vaisselle aux couleurs contrastantes peut aider les gens atteints de démence à mieux voir leur nourriture.
« Le poulet, la purée, le fromage cottage et le yogourt sont souvent durs à distinguer dans une assiette blanche », explique Alison Stock, nutritionniste au CRN. Une assiette de couleur éclatante ‒ le rouge est populaire ‒ aide les résidents qui ont des troubles de vision à reconnaître les aliments qu’ils aiment.
D’autres accessoires adaptés sont aussi très utiles. Par exemple, les assiettes à rebord empêchent la nourriture de tomber, les ustensiles dotés de gros manches facilitent l’auto-alimentation et les tasses à deux anses augmentent la stabilité et réduisent les dégâts.
Pour de meilleurs résultats
En résumé, en reconnaissant la difficulté à s’alimenter et en mettant en œuvre des solutions adéquates, il est possible d’améliorer le moment des repas dans les résidences et les centres de soins. Ce faisant, on améliore aussi la qualité de vie des résidents tout en maintenant sa rentabilité.
Et dans un contexte où les hôpitaux et les résidences cherchent à faire preuve de transparence en montrant la qualité des soins qu’ils fournissent, les repas prennent toute leur importance. C’est pourquoi tous les intervenants de ces milieux doivent comprendre l’importance d’une bonne nutrition et de la mise en œuvre de stratégies favorisant une alimentation adéquate chez les personnes atteintes de démence.