Dans la plupart des provinces, les entreprises ont maintenant l’obligation légale de se doter de politiques en matière d’intimidation et de harcèlement au travail. Voici ce qu’il faut savoir sur le sujet.
Jadis, on encourageait les employeurs à mettre en place des politiques sur l’intimidation et le harcèlement au travail. Mais en vertu de la loi sur les accidents de travail de la plupart des provinces, c’est désormais une obligation. L’intimidation est considérée comme une forme de harcèlement et se définit comme une conduite pour laquelle la personne savait ou aurait dû raisonnablement savoir qu’elle risquait d’avoir pour effet d’humilier ou d’intimider une autre personne.
Il est à noter que les directives et mesures disciplinaires raisonnables imposées par un gestionnaire ne sont pas considérées comme du harcèlement, mais que les plaintes qui y sont associées doivent tout de même être traitées.
L’employeur peut élaborer une politique sur le harcèlement adaptée à son contexte, à condition d’y inclure les renseignements suivants, qui visent à informer le personnel du processus de gestion des plaintes :
- Moment où la situation fera l’objet d’une enquête et déroulement de celle-ci;
- Teneur de l’enquête;
- Rôles et responsabilités des employeurs, superviseurs, travailleurs, etc.;
- Gestion du suivi (mesures correctives, échéancier, gestion des conséquences, etc.);
- Manière de consigner l’information.
L’employeur doit aussi veiller à ce que les employés connaissent la politique, en plus de la respecter lui-même. La création d’une culture où l’on ne tolère ni l’intimidation ni le harcèlement nécessite une attention constante, de la formation et des rappels, bref, les mêmes choses que pour toute autre question de santé et sécurité. Enfin, en cas de litige, les tribunaux évaluent les décisions d’un employeur à la lumière du respect de sa propre politique.
Responsabilité de l’employeur
L’employeur doit s’abstenir d’user de représailles contre les personnes qui portent plainte. Sauf en cas de fausse déclaration, la plainte de harcèlement ne doit jamais entraîner de conséquences fâcheuses pour la personne qui la dépose. Si la cour établit qu’un employé a été congédié parce qu’il a signalé un cas de harcèlement ou qu’un signalement a eu des conséquences professionnelles néfastes pour lui, l’employeur pourrait devoir réembaucher cet employé, lui verser le salaire perdu et prendre d’autres mesures, en plus de risquer d’être tenu responsable de congédiement injustifié.
Dans les cas où le harcèlement concerne le respect des droits de la personne, notamment en matière de genre, de race ou de religion, l’employeur peut avoir des obligations additionnelles. De plus, la popularité du mouvement #metoo a eu pour effet de renforcer l’obligation qu’ont les employeurs d’éliminer le harcèlement sexuel au travail.
Pour prendre leurs distances des employés à qui l’on reproche d’avoir commis des actes de harcèlement sexuel, certains employeurs pourraient être tentés de congédier la personne avant de réellement poser des questions. Cependant, la jurisprudence devrait plutôt les inciter à user de prudence et de discernement, puisque ce sont des accusations graves qui risquent d’avoir des conséquences fâcheuses sur la réputation de la personne advenant le cas où elles se révéleraient non fondées. Il faut aussi savoir qu’en cas de poursuite la pertinence de la politique de l’employeur et la manière dont l’enquête a été menée pourraient être mises en cause.
Dans van Woerkens c. Marriott Hotels of Canada Ltd., le tribunal a examiné le processus d’enquête utilisé dans le cadre d’une allégation de harcèlement sexuel. Le manuel de politiques du Marriot’s comprenait une reconnaissance de la part de M. van Woerkens selon laquelle le harcèlement constituait un motif de congédiement sommaire. La politique indiquait aussi que les employés, peu importe leur échelon, devaient être traités de manière respectueuse et équitable en tout temps et avaient le droit de faire une demande d’examen des faits et des circonstances auprès de leur employeur en cas d’injustice présumée. Après son congédiement, M. van Woerkens a déposé une plainte de congédiement injustifié en affirmant que le Marriott’s n’avait pas respecté la procédure en matière d’équité décrite dans sa politique.
Le tribunal a finalement tranché en faveur du maintien du congédiement, mais pas avant d’avoir soigneusement comparé la procédure d’enquête utilisée à celle prévue dans la politique de l’entreprise. Ainsi, si Marriot’s n’avait pas respecté à la lettre ses propres politiques, le congédiement n’aurait vraisemblablement pas été validé.
Que faire?
Le harcèlement au travail et l’application des politiques qui l’interdisent ne doivent pas être pris à la légère. Les gestionnaires doivent tenir compte de toutes les plaintes et bien respecter le processus décrit dans la politique de l’entreprise, sans quoi ils compromettent la validité de cette politique et la crédibilité de leur employeur. Ils risquent également d’être tenus responsables de leurs actes.
Avant d’élaborer et de mettre en place une politique sur le harcèlement, il vaut mieux obtenir un avis juridique. L’employeur doit aussi user de prudence dans la gestion des allégations de harcèlement et se rappeler que la validité des décisions qu’il prend pourrait être évaluée d’après les politiques établies. Dans le doute, il est préférable de consulter un avocat pour déterminer la meilleure stratégie à adopter.
Le présent article est fourni uniquement à titre informatif. Il ne constitue pas un avis juridique. Pour de l’information concernant une situation particulière, veuillez toujours consulter votre avocat.